Poe
Difficulté **
Profondeur **
Originalité ****
Emotions **
Il est incroyable de lire de la même plume des œuvres aussi diverses : des enquêtes vivantes et mystérieuses, des aventures emplies de sciences et d’histoire, des histoires horrifiques parfois froides et scientifiques puis philosophiques, poétiques et magiques. Cette variété unique est un miroir de la vie si particulière de Poe, aussi étonnante que celles de London, Hugo, Voltaire, Brontë, Tolstoï ou Soljenitsyne. Sa culture encyclopédique lui permet de plus de citer les mythes, Sophocle, Virgile, mais aussi des scientifiques, des philosophes, des éléments d’histoire …
Ce recueil de nouvelles est construit et traduit par Baudelaire, grand admirateur de l’auteur américain.
La sélection de Baudelaire est très structurée et les nouvelles se répondent de manière symétrique par paire ou par trio. L’idée est séduisante mais les similitudes très fortes (maelström et message dans une bouteille, canard en ballon et un certain puzzle, magnétisme et révélation) lassent un peu : nous propose-t-on une version améliorée d’un brouillon ou la prolongation d’une idée ? La question est passionnante pour un poète comme Baudelaire, moins divertissante pour un lecteur.
​
Le changement de genre est en effet perturbant : passer de ce qui inspirera Conan Doyle (le héros des deux histoires annonce Sherlock Holmes mais s’appelle Dupin !), à ce que livrera Robert Louis Stevenson, puis à ce que produira Jules Vernes, au thème de l’hypnose (idée un peu fanée) et enfin au vrai Poe, ne se passe pas sans heurt, d’autant plus que certaines histoires sont désormais démodées et réservées à la jeunesse.
Le recueil contient donc trois types de nouvelles : deux enquêtes, cinq récits d’aventures et six histoires fantastiques, dont trois sur l’hypnotisme et trois sur la mort. Poe fut imité et amélioré sur les deux premiers genres, l’hypnotisme ne « fonctionne » plus, mais l’écrivain reste indépassable dans le drame ténébreux et ses deux histoires d’amour au-delà de la mort sont magnifiques.
Ces deux drames amoureux sont les seules nouvelles incluant des personnages féminins, mais démontrent la passion profonde de l’auteur pour les femmes. Une poésie fantastique anime ces deux histoires, enivre la plume de Poe et délivre vénération et fatalité dans un même élan sublime.
La richesse de l’œuvre de Poe est ici pleinement livrée mais ses œuvres majeures, comme « le corbeau » ou « la chute de la maison Usher », appartiennent au genre fantastique. Seules deux nouvelles ici montrent la pleine mesure du maître.