Miller
Difficulté **
Profondeur **
Originalité ***
Emotions *
​
Involontairement, j’ai lu « Tropique du Cancer » après quatre récits sur des écrivains obsédés d’une manière ou d’une autre et distanciés de leur oeuvre (Joyce, Burgess, Liberati, Sterne). L’ennui était probable, heureusement l’aspect religieux et familial m’a été cette fois épargné, dieu soit loué… Mais Miller n’a malheureusement ni l’humour de Sterne, ni la culture de Joyce.
D’un point de vue stylistique, l’écriture est pointue, capable d’une modernité rageuse, mais aussi d’une poésie aérienne. Car Paris en toile de fond égaye ce crachat (dixit) profondément négatif sur la vie et les gens. Le narrateur réserve en effet aux endroits une passion ténébreuse, qui vient alléger une atmosphère glauque et poisseuse.
L’histoire est celle d’une errance : la passivité du héros ne lui permet guère autre chose. Et cette mollesse n’a d’égale que le mépris qu’il porte à son entourage, mépris qui l’oblige à fuir les engagements acceptés pour survivre. Obsédé par le sexe féminin et la nourriture, cet épicurien raté désespère de la vie et ne fréquente que des égotiques. Cette réflexion déprimante fait ainsi douter de la vocation d’écrivain du personnage.
Car le narrateur n’oublie pas pour autant la littérature, citant ainsi Maupassant, Dante, Swift, Huxley, Goethe, Proust, Shakespeare, Molière, Voltaire, Racine, Hugo, Cervantes, Conrad. Mais ces moments sont trop rares pour sauver le contenu du roman.
Voulu comme un refus de la construction romanesque et apprécié comme tel dans les années 70 au même titre que Kerouac, « Tropique du cancer » est largement plus déstructuré que « Sur la route », plus amer et éloigné de l’humanité. Malgré le talent et la sexualité omniprésente, la lecture de Miller est pénible, au contraire de celle de Roth et Burgess.