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Tendre est la nuit

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Fitzgerald

Difficulté ***

Profondeur **

Originalité ****

Emotions **

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Fitzgerald livre un titre troublant en trois parties violemment contrastées. 

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Un début un peu superficiel conte le sentiment amoureux d’une jeune actrice oisive sur la côte d’Azur, au sein de la très bonne société américaine. Le style impressionnant, à la fois délié et élégant, atténue l’ennui et le peu d’empathie que génèrent des personnages snobs et immatures. 

La deuxième partie décrit la rencontre amoureuse d’un psychiatre et de sa patiente schizophrène : sans avertissement on passe de Laclos à Flaubert. Si la mélancolie de Dick et l’instabilité de Nicole inspirent peu d’émotions, la qualité de la plume soutient heureusement l’intérêt. 

La dernière partie développe, à travers le regard de sa femme, l’autodestruction du héros, à la fois trop rapide et trop lente … On est en effet étonnés de le voir sombrer dans l’alcool sans combat, ni vrai désespoir, mollement en quelque sorte. 

 

Ce livre très particulier alterne une forme de monotonie tendue avec des drames brumeux, dans un paradoxe constant. Le changement de point de vue est déroutant et original : la chronologie est par exemple rompue dans la deuxième partie dont le narrateur masculin contraste brutalement avec les deux autres. 

L’absurdité des relations entre certains personnages, ainsi que la multiplication des événements dramatiques improbables, évoque Tchekhov : les émotions s’atténuent très vite, les personnages impliqués disparaissent et sont oubliés. Pourtant la fragilité de Nicole devrait faire résonner tous ces moments terrifiants : duel McKisco Barban, assassinat d’un tiers par Mary Wallis, faux décès de Mr Warren, mort de Stevenson, agression d’un policier par Dick, enlèvement de jeunes filles par Mary et Caroline et arrestation. Mais les broutilles et l’usure altèrent pourtant seules la vie du couple. 

 

Ce paradoxe semble le résultat inconscient d’un travail autobiographique entremêlé d’un imaginaire agité : les événements inventés ne prennent pas le pas sur la morne réalité de la vie de l’auteur.  Ce dernier, dans un masochisme lucide, déroule ainsi un certain nombre d’analyses sèches et cruelles sur ces personnages, pourtant si proches de lui. 

 

Cette œuvre étonnante, difficile, décrit l’aliénation sacrificielle d’un homme brillant piégé entre deux femmes sublimes dans une ambiance quasi irréelle et lancinante.

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