Erskine Caldwell
Difficulté ***
Profondeur **
Originalité ****
Emotions **
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Vendu à plus de 10 millions d’exemplaire, « le petit arpent du bon Dieu » appartient à ce genre américain du 20e siècle dédié à la ruralité, habité par Steinbeck, Capote, Faulkner, voire Kerouac. Cependant, il ne choisit ni la précision documentariste, ni le naturalisme absolu, ni la poésie radicale et certainement pas la liberté incandescente. Caldwell arpente la côte tortueuse du conte érotique, qui en fera l’auteur américain le plus censuré, malgré un fort soutien de ses pairs.
On retrouve plus Tchekhov et ses obsessions sentimentales et matérialistes que la réalité rugueuse des auteurs précédents. Et la plume de l’auteur sacrifiée à la répétition systématique de toutes les déclarations des personnages dans des boucles pathétiques entretient ce côté théâtral.
Dans cette dramaturgie qui se voudrait hellénique, l’animalité de la famille Walden n’a d’égale que sa faiblesse face à ces vices : aucun ne fait preuve de retenue quand il est confronté à ces obsessions. La prison, la famine, la honte, l’assassinat, la trahison de sa propre famille : aucune conséquence ne les arrête dans leurs pulsions, fièvre du corps ou fièvre de l’or. Cette folie n’est pourtant pas le résultat d’une intelligence limitée : même le brillant frère aîné y succombe allègrement.
Et c’est un peu la limite du récit : seul un conte peut mettre en scène à la fois une femme innocente qui suscite des désirs sexuels paroxystiques de la part de tous les hommes et un homme si brûlant que toutes les femmes sont prêtes à le partager. L’obsession aurifère du patriarche, tournée en ridicule par beaucoup, l’est aussi par l’auteur qui menace la maison d’écroulement, transforme la propriété en taupinière géante et souligne les quinze années d’échecs sur un site éloigné de toute découverte réelle. Cette atmosphère irréelle s’encanaille clairement avec Jill et Will qui, tels des enfants sauvages, n’imposent aucune limite à leur sexualité. Dans le contexte chrétien de l’époque, on s’étonnera de l’indifférence totale du père qui, pourtant, dédie un arpent à Dieu, donnant le titre et un des éléments les plus amusants de l’histoire avec le personnage témoin de Pluto.
En conclusion, « le petit arpent du bon Dieu » est un livre à la limite de l’absurde dont le message principal pourrait être la mise en valeur du plaisir féminin en dépit des anathèmes religieux. Important, mais noyé dans une folie omniprésente.
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Le petit arpent du bon Dieu
Vonnegut
Difficulté **
Profondeur ***
Originalité ****
Emotions **
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« Message à Garcia » est incongru dans la BE car ce recueil de petits essais philosophiques est un peu éloigné des romans et des pièces majeures présentes sur ce site. Cependant il mérite sa place pour ses 40 millions d’exemplaires vendus via un bouche à oreille particulièrement romanesque... D’abord imprimé massivement par les chemins de fer américains, il a ensuite été distribué chez les scouts et dans la Navy.
Cette récupération par des tribus humaines solidaires est très cohérente quand on lit « Message à Garcia » : le récit met en avant le courage et l’initiative d’un soldat ayant contribué à la guère américano-espagnole à Cuba.
Les essais évoquent des thèmes assez matériels comme la conscience professionnelle, la vie de couple ou l’importance des partenariats dans les affaires. Ce qui pourrait être moralisateur se révèle en fait chaotique : les sujets un peu datés alternent avec des réflexions contradictoires sur le capitalisme et le socialisme tandis que de belles déclarations d’humanisme croisent une approche un peu basique de la vie professionnelle.
Tous ces paradoxes se rejoignent dans la mythomanie générale de l’auteur : s’il est difficile de valider le nombre de ses ventes il est désormais certain que ni les russes ni les japonais n’ont eu accès à son texte contrairement à ces dires. L’histoire même du soldat Rowan est une exagération marquée …
Hubbard nous livre des pensées tantôt matérialistes, tantôt élevées, qui donnent matière à une réflexion personnelle sur de nombreux sujets. Une lecture originale, intrigante et facile.
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